Nation

Les intentions de Paris ne sont ni sincères ni bienveillantes

La nouvelle affaire ainsi que les faits politiques actuels montrent que la distance reste grande entre l’Algérie et Paris

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D.R
D.R

Les déclarations du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, après avoir été reçu par le président Abdelmadjid Tebboune le 6 avril dernier, évoquant un retour à la normale et la reprise de l'accord de partenariat signé en août 2022, n’étaient pas suffisantes pour croire véritablement que la crise des relations algéro-françaises était en voie de résolution. Il ne s'agissait que d'une déclaration à l'attention de l'opinion publique française, sans qu'elle ne soit suivie d’une déclaration équivalente du côté algérien. Alger attendait que Paris traduise ce discours positif et ces intentions en actes et en mesures politiques concrètes.

La visite du ministre français des Affaires étrangères, suivie d'une visite attendue du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, aurait pu ramener les relations, au minimum, à un « rythme diplomatique de routine », ce qui aurait permis une reprise des contacts politiques. Cela aurait pu encourager l'Algérie à nommer et envoyer un nouvel ambassadeur à Paris (l'ambassadeur rappelé ayant été ensuite affecté à Madrid), et à relancer la coordination dans les domaines d’intérêt commun : politique, économique, sécuritaire et judiciaire. Cela aurait permis également un retour au cadre d'organisation des relations bilatérales et aux ententes existantes, dans lequel chaque partie aurait pu soumettre ses préoccupations (y compris entre autres la question des expulsés), sans pour autant neutraliser les causes profondes de la crise, en fonction de concessions  que Paris serait prête à faire en échange des concessions algériennes.

Pour l'Algérie, il y a des priorités plus importantes que Boualem Sansal, comme l’extradition de plusieurs personnes recherchées par la justice algérienne, qu’il s’agisse de personnes impliquées dans des affaires de corruption ou dans des affaires à caractère politique (militants). Cela constitue en soi une épreuve majeure pour les autorités françaises actuelles, notamment en raison de la nature du système judiciaire en France, qui ne permet pas à l'exécutif d'interférer directement dans les décisions de justice. Cependant, la crise politique entre les deux pays est bien plus profonde qu’une simple visite ministérielle ou un appel téléphonique. Elle est notamment aggravée par le contexte politique français, fortement influencé par les discours de la droite et de l'extrême droite.

Il y a aujourd’hui un effondrement complet de la confiance entre les pouvoirs en place dans les deux pays. Le canal sécuritaire, qui avait toujours servi de dernier recours en temps de crise, a lui aussi été fortement affecté. Toute tentative de rétablissement nécessiterait ainsi du temps et de grands efforts, et ne peut pas se faire avec l’actuelle majorité politique au pouvoir en France, qui constitue elle-même une partie du problème.

S’ajoutent à cela d’autres facteurs qui condamnent les relations algéro-françaises à rester des « relations de crise ». Il existe en effet entre les deux pays plus de motifs de tensions que d’apaisement.

De plus, il n'y avait aucun indice concret laissant penser que la droite française — bien ancrée dans les institutions de l’État, les milieux politiques et les médias — n’allait pas chercher à saboter toute tentative de règlement des dossiers conflictuels. Cette droite, manœuvrière et aventureuse, ne renoncera pas à un « atout électoral » alors que l’élection présidentielle de 2027 approche. La crise avec l’Algérie a toujours été pour elle un terrain propice, et ce d’autant plus qu’elle trouve un espace naturel dans la structure même du système politique français. Contrairement à l’Algérie où le pouvoir politique détient un contrôle total sur le paysage institutionnel, la droite française utilise habilement les leviers dont elle dispose.

La nouvelle affaire de l’arrestation à Paris d’un employé diplomatique algérien en est une preuve supplémentaire qui clairement que cette droite française ne souhaite pas de règlement de la crise. C’est ce qu’a souligné le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères samedi dernier, indiquant que cette mesure française « n’est pas une simple coïncidence, mais s’inscrit dans un contexte précis, avec des motivations visant à compromettre le processus de relance des relations bilatérales, tel qu’il a été convenu entre les deux chefs d’État lors de leur dernier entretien téléphonique ». Ce communiqué affirme également que « des parties françaises ne partagent pas la volonté politique de relancer les relations bilatérales, ce qui reflète un décalage dans l’engagement, ainsi qu’un manque de bonne foi et de sincérité nécessaires à la reprise normale et sereine des relations ». Il cite aussi « le choix de faire de ce criminel un prétexte à cette manœuvre orchestrée » comme étant révélateur de cette mauvaise intention, tout comme « la précipitation insensée à faire de cet individu un nouveau symbole de la campagne hostile à l’Algérie, ce qui contraste avec l’indifférence prolongée dont les autorités françaises ont fait preuve face aux demandes d’extradition de l’Algérie à son sujet, bien qu’il soit lié à des organisations terroristes ».

Tous ces éléments, y compris les faits récents, montrent que la distance reste grande entre Alger et Paris, en l’absence de volonté sérieuse du côté français. Par ailleurs, la perte d’influence culturelle de la France en Algérie est profonde et irréversible. Le processus d’exclusion progressive de la langue française, qui a commencé dans le secteur éducatif, s’étend désormais à la sphère académique, à l’administration et à l’économie. La perte économique elle-même pour la France sur le marché algérien est irréparable : l’Algérie a fait le choix stratégique de s’orienter vers l’Est et vers d’autres partenaires en Méditerranée et en Europe, de sorte que la France ne représente plus aucune valeur significative dans l’économie algérienne, que ce soit en matière d’investissements ou d’échanges commerciaux.

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