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Apparition du Directeur du Renseignement Extérieur : Les éventuels messages

Cela s’est produit lors des travaux de l’atelier du Bureau Afrique du Nord relevant du Comité des services de renseignement et de sécurité africains (CISSA).

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Dans une première dans la scène politique et sécuritaire, le directeur de la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGSE), a fait une apparition publique en civil pour la première fois, ce dimanche. Il s’est exprimé lors d’une activité ouverte aux médias et accessible au public, brisant ainsi une tradition ancrée depuis des décennies, durant lesquelles le responsable des services de renseignement opérait dans l’ombre, sans visage identifiable, sauf à travers quelques photos furtivement diffusées.

Depuis sa nomination, les apparitions du directeur du renseignement extérieur, le général Rachdi Fethi Moussaoui, se limitaient à des images et vidéos courtes en tenue militaire, publiées par la page Facebook de la Présidence de la République, montrant des réunions du Haut Conseil de Sécurité. Cependant, sa participation visible et publique à l’atelier du Bureau Afrique du Nord du Comité des services de renseignement et de sécurité africains (CISSA), au cours duquel il a prononcé un discours, a suscité de nombreuses interprétations et interrogations : que signifie cette apparition ? Quel message les autorités souhaitent-elles transmettre à travers ce changement dans le modèle de communication institutionnelle ?

Dans une analyse de cette nouvelle approche communicationnelle, le professeur de sciences politiques et relations internationales, Abdelhakim Bougrara, lie cette évolution à des « changements profonds dans les politiques des États, y compris l’Algérie ». Il cite en exemple le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, actuellement en visite en Algérie, qui a dirigé les services de renseignement turcs pendant des années, avant de passer sous les projecteurs et de répondre aux questions des journalistes.

Cette apparition publique, selon Boughrara, démontre également que le responsable algérien ne se laisse pas piéger par les clichés que l’Occident tente d’imposer à l’Algérie, notamment en insistant sur le poids de l’institution militaire. Il ajoute : « Nous sommes aujourd’hui dans un monde marqué par la militarisation des relations internationales et par les tentatives d’infiltration des institutions étatiques par les puissances occidentales ».

L’universitaire estime que les transformations mondiales imposent l’adoption de modèles plus intégrés et ouverts entre institutions, avec une nécessité croissante de développer une « acculturation » mutuelle solide.

Pour Boughrara, les images de cet événement traduisent aussi une volonté d’approfondir la confiance avec le citoyen, en mettant en avant des personnalités et des compétences qui peuvent servir d’exemples dans la société. Il souligne que de nombreux responsables issus des services de sécurité et de renseignement ont réussi à diriger des institutions civiles grâce à leur formation, leur expérience, leur culture générale et leurs compétences en leadership.

Ce changement dans la communication institutionnelle a également attiré l’attention de nombreux observateurs et journalistes. Parmi eux, le journaliste Othmane Lahyani a qualifié cet événement de « précédent inédit dans les relations entre les services de renseignement et la sphère publique », soulignant que c’est la première fois que l’institution organise un événement officiel avec une couverture médiatique (même limitée), et affiche une bannière mentionnant expressément les services de renseignement comme organisateurs.

Sur le plan de la communication non verbale, Lahyani estime qu’« il existe plusieurs raisons et motivations pour cette évolution progressive, marquée par la sortie du chef du service de l’ombre vers des événements publics et des interventions, même limitées, sur des sujets d’intérêt général. Cela pourrait profondément changer l’image des services de renseignement dans l’opinion publique, en rompant avec les stéréotypes longtemps associés à la direction des institutions sécuritaires ».

Il conclut que « cette évolution suggère une possibilité de réflexion différente, dont l’évaluation dépendra des résultats concrets. Que ce soit par conviction et volonté de briser les barrières et de normaliser l’image de l’institution et de ses dirigeants – qui ne manquent ni de langage ni de savoir –, ou simplement parce que plus rien ne justifie de maintenir l’approche traditionnelle ».

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