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La justice française a ouvert, ce jeudi, le dossier de l’affaire de l’écrivain et romancier franco-algérien Kamel Daoud, lauréat du prestigieux prix Goncourt pour son roman Houriates. Ce roman, qui lui a valu cette distinction, s’est rapidement transformé en une malédiction poursuivant toute la famille Daoud, après l’accusation portée contre lui et son épouse en Algérie de "vol de la vie privée" d’une jeune femme ayant enduré les affres de la tragédie nationale durant la décennie noire, en exploitant son histoire dans son œuvre littéraire.
Selon ce qu’a révélé la radio française RFI ce vendredi, une plainte a été déposée contre Kamel Daoud, hier jeudi 13 février 2025, en France, pour atteinte à la vie privée de Mme Saâda Arabane. Cette dernière l’accuse d’avoir "volé son histoire" et de l’avoir utilisée dans son roman Houriates, qui lui a valu le prix Goncourt en France, le 4 novembre 2024.
De son côté, le site français Mediapart a rapporté ce vendredi qu’un huissier de justice a remis à Daoud une convocation pour comparaître devant un tribunal à Paris le 7 mai prochain, alors qu’il était en séance de dédicace de son roman Houriates dans la région de Gironde, dans le sud-ouest de la France.
À noter que le 18 novembre 2024, le tribunal de première instance d’Oran avait accepté le dépôt d’une plainte de Saâda Arabane contre le romancier Kamel Daoud. Elle l’accuse, ainsi que son épouse, psychiatre qui suivait son cas depuis 2015, de "violation de la vie privée et de divulgation de secret médical" à travers ce roman.
Concernant les détails de l’affaire en Algérie, l’avocate de la plaignante, Fatima-Zohra Benbraham, avait révélé que deux procédures avaient été engagées devant le tribunal d’Oran. La première concerne la "divulgation du secret professionnel", dans laquelle l’épouse de Kamel Daoud est impliquée en sa qualité de médecin de la victime.
La deuxième procédure, initiée par le syndicat des victimes du terrorisme, porte sur des accusations de "diffamation des victimes du terrorisme et de violation de la loi sur la réconciliation nationale", promulguée le 27 février 2006. L’article 46 de cette loi prévoit une peine de prison de 3 à 5 ans contre "toute personne qui, à travers ses déclarations, écrits ou tout autre acte, exploite les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République, affaiblir l’État, nuire à la dignité de ses agents ayant servi honorablement, ou ternir l’image de l’Algérie sur la scène internationale".
Face à ces accusations, l’écrivain controversé a réagi en décembre dernier, réfutant toutes les allégations portées contre lui et son épouse. Dans un article publié par le magazine français Le Point, Daoud a nié avoir exploité l’histoire de Arabane, déclarant : "Cette pauvre femme prétend que c’est son histoire. Je peux comprendre sa détresse, mais ma réponse est claire : c’est totalement faux."
Il a ajouté, dans son article intitulé "Kamel Daoud, lauréat du Goncourt avec Houriates, répond aux calomnies", qu’ "à l’exception de la cicatrice visible sur le cou, il n’y a aucun point commun entre la tragédie de cette femme et l’héroïne du roman". L’écrivain, poursuivi dans cette affaire, a affirmé : "Houriates est une œuvre de fiction et ne révèle aucun secret. La canule utilisée pour respirer et parler, la cicatrice et les tatouages ne sont pas des secrets médicaux, et la vie de cette femme n’est pas un secret, comme en témoignent ses propres déclarations." Toutefois, il n’a fourni aucune explication supplémentaire à ce sujet.
Arabane est la seule survivante de sa famille après un massacre dans la wilaya de Tiaret, où elle a été grièvement blessée au cou après qu’un terroriste a tenté de l’égorger.
Ce qui rend l’affaire encore plus intrigante, c’est que l’avocate de la plaignante, Benbraham, a affirmé que le président français Emmanuel Macron serait personnellement intervenu en faisant pression sur le directeur de la maison d’édition française Gallimard pour publier le roman Houriates. L’affaire reste à suivre.