Les relations algéro-françaises arrivent à un tournant historique

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Experts et spécialistes estiment que la récente crise entre l’Algérie et la France a placé les relations entre les deux pays à un point de bascule historique. Soit ces relations sont reconstruites sur des bases d’égalité et de respect mutuel, soit elles se dirigent vers une rupture définitive. Ils avertissent que céder aux partisans de la rupture serait une erreur stratégique, car l’extrême droite populiste française attend ce moment pour en tirer des bénéfices électoraux et politiques. De plus, d’autres pays souhaitent voir cette détérioration se poursuivre dans un contexte international et régional extrêmement sensible.
Les relations entre l’Algérie et la France sont uniques, marquées par des facteurs historiques, politiques et économiques. Depuis l’indépendance, elles ont traversé plusieurs crises, atteignant parfois des niveaux de tension élevés. Cependant, la crise actuelle semble sans précédent. Aucun signe d’apaisement n’est visible depuis juillet 2024, malgré les pressions exercées sur la France pour préserver une coopération essentielle avec l’Algérie, notamment dans les équilibres stratégiques au Sahel, ou sur l’Algérie, compte tenu des intérêts de plus de six millions d’Algériens vivant en France.
La prise de position de la France sous la présidence d’Emmanuel Macron sur le dossier du Sahara occidental a affaibli son rapprochement avec l’Algérie. À cela s’ajoute l’exploitation politique de l’affaire Boualem Sansal et d’influenceurs algériens vivant en France, accompagnée d’une escalade politique et médiatique. Cette situation a transformé la crise actuelle en l’une des phases les plus critiques des relations entre les deux pays, avec une progression rapide vers une rupture politique, économique et commerciale.
Depuis juillet dernier, l’Algérie refuse de retirer son ambassadeur à Paris. Par ailleurs, elle semble limiter drastiquement ses importations de produits français et exclure les entreprises françaises des projets et contrats en Algérie.
La crise actuelle entre l’Algérie et la France se distingue par son intensité et son évolution rapide. Elle est passée de la préparation d’une visite officielle du président Tebboune en France à des menaces de sanctions françaises, telles que la réduction des visas, la suspension des aides au développement, l’imposition de droits de douane supplémentaires sur les produits algériens, et l’annulation de l’accord de 1968. Toutefois, la suppression de cet accord aurait un impact limité sur les intérêts des Algériens.
En effet, si l’accord de 1968 venait à être annulé, les relations bilatérales reviendraient théoriquement aux Accords d’Évian, qui garantissent la liberté de circulation entre les deux pays. Dans la pratique, les révisions successives de l’accord de 1968 ont déjà réduit la majorité des privilèges initialement accordés aux Algériens. Par conséquent, son annulation ne causerait pas de préjudices majeurs, car les avantages restants sont mineurs.
Des experts en relations bilatérales soulignent une problématique politique du côté français, qui peine à comprendre et à analyser les transformations profondes que connaît l’Algérie depuis le mouvement populaire de 2019. Ce dernier a marqué une rupture avec l'ancien régime, souvent perçu comme conciliant face à l'approche française. Depuis l’indépendance, cette dernière tend à minimiser l’héritage colonial tout en insistant pour que l’Algérie renonce à certaines revendications historiques et droits légitimes.
Des experts estiment que les relations actuelles entre la France et l’Algérie se trouvent à un point de bascule historique. Elles pourraient soit être réorientées sur des bases respectant les intérêts mutuels et établissant un cadre politique pour résoudre les différends politiques, économiques, commerciaux et culturels, soit glisser vers une rupture qui aurait des répercussions sur plusieurs dossiers bilatéraux et régionaux dans lesquels les deux pays jouent un rôle crucial.
Selon les observateurs, un retour de Paris à une gestion rationnelle et respectueuse des principes de coopération internationale pourrait progressivement désamorcer la crise. Certaines voix en France expriment d’ailleurs leur mécontentement face à la stratégie actuelle. Dans ce contexte, le ministre des Affaires étrangères français a proposé une visite en Algérie, qui devrait être marquée par une ouverture et un dialogue constructif.
Les spécialistes avertissent également que suivre les partisans d’une rupture totale serait une erreur stratégique. L’extrême droite populiste en France attend cette occasion pour engranger des gains électoraux et politiques, tandis que d’autres pays espèrent que la détérioration des relations entre la France et l’Algérie se poursuive, dans un contexte international et régional particulièrement sensible.
Rahabi : La haine de l'Algérie devient une politique d'État
Dans un récent message publié, l'ex-ministre et diplomate algérien Abdelaziz Rahabi a répondu aux attaques de certaines factions françaises contre l'Algérie. Il a déclaré que le ton belliqueux et souvent arrogant des ministres français des affaires étrangères et de l'intérieur à l'égard de l'Algérie s'apparente plus à une danse de dupes qu'à une véritable crise diplomatique, soulignant l'absence de motifs sérieux justifiant une telle animosité.
Rahabi estime que ces mêmes forces ont réussi à faire de l'Algérie une question prioritaire dans leur agenda politique, sans réaliser que cela entraînerait inévitablement des crises répétées et des affrontements de souverainetés entre les deux pays.
Il a, également, mis l’accent sur la montée du populisme dans des pays au passé colonial ou fasciste, tels que la France, l'Allemagne et l'Italie, une tendance qu'il juge responsable de l'aggravation de la rente mémorielle de certaines élites politiques, sociales et médiatiques influentes.