L'ouverture de la 45e édition du Festival du Film du Caire a été marquée par la projection mondiale du film palestinien "Rêves passagers", réalisé par Rashid Masharawi, avec Adel Abu Ayash, Emilia Maso et Ashraf Barhom dans les rôles principaux.
Le film nous emmène dans un voyage entre El Qods et la ville palestinienne de Haïfa, suivant l’histoire d'un garçon de 12 ans nommé "Sami", qui part à la recherche de son pigeon voyageur bien-aimé. Cette quête se déroule à travers les villes palestiniennes, avec la conviction ferme du garçon que l'oiseau est retourné chez son propriétaire d'origine. Au fil de ce périple, à travers la ligne verte qui sépare la Palestine « d'Israël », le spectateur rencontre des personnages qui racontent leurs histoires, parfois de manière satirique, une caractéristique marquante des dialogues écrits par le réalisateur avec une grande intelligence, condensant les douleurs de la cause palestinienne sur plus de 76 ans.
Dans ce 15e film du réalisateur palestinien, il poursuit son exploration de la réalité tragique et fragile de la Palestine dans un récit qui mêle rêves et réalité.
"Rêves passagers" représente une nouvelle tentative pour comprendre la vie palestinienne sous occupation, abordant l'espoir de liberté et de dignité au cœur de conditions difficiles. Il reflète également les défis continus auxquels le peuple palestinien fait face pour préserver son humanité dans un contexte d'oppression.
Le film présente indirectement les sentiments de désespoir et de résistance des Palestiniens, plaçant le spectateur en plein cœur de cette réalité dont on ne peut échapper.
Tout au long du film, le réel et le rêve s'entrelacent, et les moments où les personnages s'échappent dans un autre monde se transforment en tentatives de reconstruire leur réalité brisée. Ces rêves deviennent un moyen d'évasion face à un quotidien accablant, où le réalisme et l'imaginaire se côtoient.
Masharawi, qui a l'habitude de traiter des questions nationales palestiniennes dans ses films, prouve encore une fois sa capacité à utiliser la mise en scène visuelle pour incarner la réalité palestinienne avec ses détails poignants. Grâce à une caméra précise et un éclairage souvent sombre, le réalisateur parvient à transmettre les émotions et les états d'âme des personnages.
L'image devient ici un outil fondamental pour raconter l'histoire, ne se limitant pas à documenter les événements mais servant de moyen d'expression artistique des sentiments profonds de la société palestinienne.
Le film ne se contente pas de décrire le conflit israélo-palestinien, il va plus loin en explorant les univers psychologiques des personnages palestiniens, chacun incarnant une forme différente de douleur et de sacrifice, que ce soit la souffrance quotidienne sous l'occupation ou le conflit intérieur lié à l'identité et à l'avenir. L’utilisation astucieuse des espaces ouverts et clos renforce ce sentiment de confinement, faisant ressentir au spectateur que ces espaces restreints sont la prison morale dans laquelle vit chaque Palestinien.
Outre les dialogues, l'interprétation des acteurs constitue l'un des points forts du film. Les personnages oscillent constamment entre rêve et réalité, et cette transition est rendue de manière poignante grâce à un jeu d'acteur naturel, basé sur des émotions authentiques.
Les acteurs parviennent à incarner le dilemme intérieur de leurs personnages, déchirés par des guerres intérieures et des troubles psychologiques dus à la vie sous occupation. Chaque personnage dans le film représente une facette différente de la réalité palestinienne, allant de celui qui cherche à survivre à celui qui refuse de se soumettre à l'occupant.
Comme de nombreux films palestiniens et arabes traitant de la cause palestinienne, à l’instar du film algérien **"Nous reviendrons"** du réalisateur disparu Slim Riad en 1972, "Rêves passagers" ne manque pas de symbolisme, avec des significations profondes dissimulées sous sa surface. Le symbole récurrent dans le film est le « rêve palestinien », qui se matérialise à travers les récits des personnages en quête de liberté. Bien que le conflit politique et la question du droit au retour demeurent des enjeux majeurs, la cause reste enfermée dans un cycle de violence et d’oppression.
Ce rêve, déchiré à chaque fois, demeure cependant vivace dans la mémoire palestinienne, même s’il semble pour certains impossible à atteindre.