L'Archevêque d'Alger revient sur son obtention de la nationalité algérienne

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Jean-Paul Vesco, archevêque de l'Église catholique en Algérie, évoque son obtention de la nationalité algérienne par décret du président Abdelmadjid Tebboune en 2023 et ce que cela signifie pour lui.

Dans une interview exclusive à El Khabar, l'homme de foi parle également de sa nomination en tant que cardinal, parmi les 120 membres du collège des cardinaux proches du pape François au Vatican, des messages politiques que cette nomination inédite depuis 1954 véhicule, de sa vie en Algérie et de sa position face à l'agression israélienne à Gaza, soulignant qu'il a vécu dans la bande de Gaza et à Jérusalem pendant plusieurs années. A noter que l'entretien a eu lieu avant la rencontre entre le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et l'archevêque d'Alger, le cardinal Jean-Paul Vesco.

Vous occupez la fonction d'archevêque de l'Église catholique en Algérie depuis plus de deux ans et vous avez récemment été promu cardinal, une fonction de haute responsabilité dans la hiérarchie catholique, vous plaçant ainsi dans le cercle proche du pape François. Cela marque-t-il la fin de votre mission en Algérie ?

Certainement pas, car le pape m'a nommé cardinal en raison de ma fonction d'archevêque d'Alger. Cela signifie que c’est cette position qui a conduit à ma nomination, et donc, je resterai en Algérie. Ce qui va changer, c'est que je serai amené à voyager plus fréquemment vers le Vatican pour des missions, mais cela ne m'éloignera pas pour autant de l'Algérie. Je resterai ici jusqu'à la fin de ma vie, comme l'a fait mon prédécesseur Henri Tessier.

 

 Quels messages peut-on lire derrière cette nomination ?

Il y a 120 cardinaux dans le monde, leur mission est d’élire le pape, de collaborer avec lui, de lui offrir des conseils et de remplir d’autres fonctions religieuses. Le fait de nommer l’archevêque d’Alger parmi ces hommes d’Église à ce niveau est un message de paix envers l’Algérie et porte de nombreuses significations nobles. Ce choix est une véritable révolution dans la gestion de l’Église, car traditionnellement, les cardinaux étaient nommés dans des pays et des villes à forte majorité chrétienne. Par exemple, il n'y a actuellement pas de cardinal à Paris.

Le président Abdelmadjid Tebboune vous a octroyer en 2023 la nationalité algérienne. Quelles sont les raisons de cette décision et qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Il y a plusieurs raisons derrière mon obtention de la nationalité algérienne. J'avais en fait déjà fait une demande pour obtenir la nationalité, car je vis en Algérie depuis plus de vingt ans et je souhaite y passer le reste de ma vie. Le président Tebboune a, heureusement, accepté ma demande, en tant qu'archevêque d'Alger. Pour nous, au sein de l’Église, cela représente un symbole fort d'un lien réel avec l'Algérie, bien que la nationalité ne soit qu’un aspect de ce lien.

C’est un grand honneur pour moi, en tant qu’individu, et c’est une belle démarche, un peu comme le parcours de mon prédécesseur Henri Tessier. J’ai vécu en Algérie pendant vingt ans, et j’aime y mener ma vie en tant que citoyen algérien, avec des liens dans la société algérienne. Même si je ne suis pas né Algérien, je suis devenu Algérien par choix et par l’acquisition de la nationalité.

En outre, il faut souligner que l’Église catholique en Algérie est régie par la loi des associations, et pour être à la tête de l’Église en Algérie, il faut être de nationalité algérienne. Tout cela est cohérent et interconnecté, et je remercie à nouveau le président Abdelmadjid Tebboune pour sa décision.

 

Vous avez participé aux célébrations du 60e anniversaire de la Révolution de Libération organisées par la Wilaya d'Alger. Quels messages pouvez-nous en tirer ?

Je reçois régulièrement des invitations à de telles célébrations nationales. J’ai donc participé à l’événement commémorant la Révolution de Libération avec des citoyens à Alger. Pour moi, c’est un signe de respect et d’admiration envers les Algériens qui, à un moment donné, ont décidé de renverser la situation coloniale. En tant que Français, je partage cette fierté et cette mémoire, car de nombreux Français étaient eux aussi en faveur de cette indépendance.

 

À l’internationale, nous assistons à l'une des pires tragédies de l’histoire de l’humanité avec le génocide en cours à Gaza, perpétré par l’entité sioniste. Vous avez écrit dans le journal *La Croix* à propos de l'Opération "déluge d’Al-Aqsa " le 7 octobre, en affirmant que "ce qui s’est passé le 7 octobre est inacceptable, mais ce n'était pas sans raison". Que voulez-vous dire par là, sachant que vous avez vécu dans la bande de Gaza et à Jérusalem pendant plusieurs années ?

Peu importe les circonstances, je ne justifie jamais la violence. Cependant, je m’oppose à l’idée que tout a commencé le 7 octobre, et je refuse de le qualifier de simple "attaque". Ce que nous avons vu ce jour-là n'était qu'une réaction face à la politique d’extrême droite israélienne qui dure depuis plus de 20 ans.

J’ai rencontré de nombreux Israéliens et Juifs qui souhaitent vivre en paix et en sécurité avec les Palestiniens.

Cela est ma position, car j’ai vécu à Gaza et à Jérusalem, et je vis actuellement en Algérie. Ce qui se passe à Gaza dépasse l’imaginable, c’est un génocide qui a franchi toutes les limites et est intolérable, surtout à un moment où personne ne semble prêt à intervenir pour imposer des solutions politiques.

Je tiens également à souligner que nous ne sommes pas face à des actions militaires, mais à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, visant des enfants, des vieillards, des femmes et tous les civils par l'État israélien.

Il y a de nombreux chrétiens orthodoxes en Palestine, ils font partie intégrante de la société. Il y a aussi des catholiques, et le pape François leur exprime quotidiennement sa solidarité. Il y a une injustice fondamentale qui découle d’un mensonge colonial d’un" peuple sans terre dans une terre sans peuple". Or, il n'y a pas de terre sans peuple, c’est un mensonge qui a même été utilisé contre l’Algérie.