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Le Dr. Abderazak Chaker Mahfoudhi, professeur en sciences politiques et relations internationales, s'est exprimé dans un entretien avec "El Khabar" sur les déclarations du président de la république, Abdelmadjid Tebboune, lors de sa rencontre avec les médias, sur la nécessité de réformer l'Organisation des Nations Unies.   

Le Président Tebboune a critiqué les mécanismes des institutions de l'ONU en utilisant des termes forts, évoquant des déséquilibres et un manque de justice internationale, et appelant à une réévaluation radicale de l'utilisation du droit de veto. Est-il vraiment possible de réformer cette institution ? 

Oui, rien n'est impossible tant que la réforme des modes de fonctionnement de l'ONU est devenue une nécessité imposée par les réalités actuelles et par l'incapacité de cette organisation à assurer la paix et la sécurité internationales, et à résoudre les conflits par des moyens pacifiques, alors qu'elle se retrouve dans une impasse.

La réforme n'est plus seulement une exigence des pays marginalisés dans le système, comme les pays africains qui possèdent de grandes potentialités et souffrent d'injustices historiques, mais elle est devenue une nécessité face à l'incapacité de l'ONU à gérer les risques d'une guerre nucléaire potentielle.

Cependant, de telles réformes audacieuses nécessitent un consensus entre les grandes puissances et un accord international, et peut-être que les tensions mondiales entre ces puissances pourraient entraîner la formation de forces de pression au sein même du système ou mobiliser l'opinion publique internationale pour revendiquer une révision des modes de fonctionnement de l'ONU afin de les rendre plus justes et réalistes. 

Le Président a déclaré qu'il n'existe plus de droit international, mais plutôt une "loi de la jungle" où le fort mange le faible, et que toutes les institutions censées mettre un terme à l'usage excessif de la violence ont été détruites. Que signifie cela sur le plan des relations internationales et de la diplomatie ?

Les déclarations du Président reflètent le désir de l'Algérie de renforcer le rôle de l'organisation internationale et de lui permettre de jouer son rôle dans la réalisation de la justice mondiale. Cela montre également la conviction de l'Algérie que l'ONU a un rôle central à jouer pour instaurer la paix dans le monde, et qu'il existe des entraves à cette mission.

L'Algérie, à travers sa présidence, appelle donc à la réforme des mécanismes de l'organisation mondiale pour qu'elle puisse remplir son rôle de manière optimale.

Nous observons également que le Président a mentionné le Conseil de sécurité comme l'une des institutions les plus importantes de l'ONU, et a appelé à une réévaluation de ses mécanismes afin d'augmenter la représentation des États de manière réaliste et de renforcer la réponse aux crises émergentes, qui menacent l'équilibre fondamental sur lequel l'ONU a été créée.

Le Président exprime, selon moi, les préoccupations d'une large part de l'opinion publique mondiale, y compris au sein des grandes puissances. 

Les déclarations du Président témoignent également de la maturité de l'approche algérienne face aux défis sérieux que cette institution doit relever, en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, et de la prise de conscience des dangers et des responsabilités qui incombent à l'Algérie pour remplir son rôle et soulever les questions fondamentales face aux crises d'actualité.

Les déclarations de Tebboune illustrent l'engagement de l'Algérie envers les questions mondiales et son soutien aux pays en développement, portant les préoccupations du tiers-monde qui aspire à un ordre international plus crédible et juste, répondant aux aspirations des peuples. D'un point de vue diplomatique et onusien, lorsque le président déclare que le fort mange le faible, cela représente une lecture transparente de la réalité, où les grandes puissances imposent leur volonté et utilisent la force excessive contre les pays faibles, sans aucun frein ni considération pour les lois, la morale ou la légitimité.

Sur le plan diplomatique, on peut dire qu'il existe une perte de confiance dans les organisations internationales, dans leur rôle et dans la légitimité de leur existence, comme l'ONU, qui devait être l'espace pour régler les conflits et maintenir l'équilibre international et protéger les opprimés, tout en étant l'outil pour appliquer le droit international.

Si nous plaçons ces déclarations dans un contexte plus large, on peut les interpréter comme un avertissement et un signal d'alarme concernant l'absence de justice dans les relations internationales, l'inégalité devant le droit international, et le risque d'intensification des tensions. Il est donc nécessaire de réfléchir à des solutions sérieuses et innovantes pour restaurer la crédibilité de ces organisations. 

Le Président Tebboune a prévu que le sort de l'ONU pourrait être similaire à celui de la Société des Nations si les mécanismes de fonctionnement des institutions de l'ONU ne sont pas révisés. Qu'en pensez-vous ? 

La vision du Président est réaliste et sa comparaison est pertinente. La Seconde Guerre mondiale a marqué la fin de la Société des Nations, qui portait en elle les germes de sa propre destruction, précédée de nombreux signes annonciateurs de son incapacité.

Actuellement, nous observons de forts indicateurs annonçant un sort similaire à celui de la Société des Nations, bien que je souhaite ardemment que cela n'arrive pas.

Quand nous voyons le Conseil de sécurité paralysé par le droit de veto et incapable de remplir sa mission, et que des États l'utilisent à leur avantage, comme ce fut le cas en Libye et en Irak.

Le Président a également abordé la question de l'efficacité de la Ligue arabe, affirmant qu'elle n'a plus d'influence sur les événements internationaux ou régionaux, y compris ses institutions économiques et financières qui n'ont pas réagi à la crise au Soudan et dans plusieurs pays arabes. Que diriez-vous à ce sujet ?

Oui, les déclarations du Président reflètent un sentiment de désespoir face à l'incapacité de la Ligue à jouer son rôle dans les événements en cours, la laissant dans une position d'observation face à ce qui se passe en Palestine et au Liban, comme si elle n'était pas concernée, et en étant devenue un des plus grands obstacles et freins dans le cheminement de la cause palestinienne. Il s'agit donc d'un appel à restructurer cette organisation ou d'abréger ses souffrances.