La décision de l'Algérie d'imposer des visas aux détenteurs de passeports marocains, annoncée hier, marque un point culminant dans une crise qui dure depuis cinq ans, mais dont les racines remontent à plusieurs décennies.
Outre les raisons présentées par le ministère des Affaires étrangères dans son communiqué, cette décision découle d’un ensemble de provocations et d’actions hostiles qui ont fini par pousser l’Algérie à réagir, malgré une politique de retenue menée pendant des mois, voire des années, avant d’exhiber "la carte rouge" face au régime marocain.
La crise a été marquée par une série d'incidents, commençant par des provocations dans les forums internationaux, suivies de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël en décembre 2020. Cet accord a rapidement conduit à des accords sécuritaires, militaires, et commerciaux entre Rabat et Tel-Aviv, intensifiant les tensions avec l’Algérie, notamment après que des responsables israéliens ont proféré des menaces contre l'Algérie depuis le territoire marocain.
Une des actions les plus graves fut la révélation de l’utilisation par le Maroc du logiciel israélien Pegasus pour espionner des personnalités politiques et militaires algériennes. Cette démarche a été perçue par Alger comme une trahison et une atteinte directe à sa souveraineté, et malgré cela, l'Algérie n’a pas rompu immédiatement les liens diplomatiques.
Le tournant est intervenu avec le soutien actif du Maroc à des mouvements qualifiés de terroristes par l’Algérie, à savoir le "MAK" et "Rachad", accusés d’être impliqués dans les incendies dévastateurs de 2021 dans la région de Tizi-Ouzou, causant plus de 100 morts, dont plusieurs militaires.
C'est à partir de là que l'Algérie a pris la décision de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc en août 2021, suivie de la fermeture de son espace aérien aux avions marocains.
Malgré ces décisions, les provocations n'ont cessé de croître. En novembre 2021, trois chauffeurs algériens ont été tués par une frappe marocaine dans la région du Sahara occidental. L’Algérie, fidèle à sa retenue, s’est limitée à condamner l’attaque tout en entamant des démarches aux Nations unies.
La provocation ultime a été la déclaration du Maroc appelant à "soutenir l’autodétermination du peuple kabyle", en réaction aux appels de l’Algérie pour la résolution du conflit du Sahara occidental, un dossier inscrit à l’agenda des Nations unies en tant que "question de décolonisation".
L'Algérie a alors pris une autre mesure drastique en fermant le gazoduc traversant le Maroc vers l’Espagne, privant ainsi le royaume de 70 % de ses besoins en gaz naturel.
Le ministère des Affaires étrangères a justifié la décision d’imposer des visas aux citoyens marocains en soulignant que le régime marocain a profité de l’absence de visa pour orchestrer diverses actions contre l’Algérie, notamment en facilitant le trafic de drogue, la migration clandestine, et en permettant l’infiltration d’agents israéliens.
Cette décision s’inscrit dans une continuité d’une série de mesures prises en réponse à des décennies de provocations, d'espionnage, et d'ingérence dans les affaires internes de l’Algérie, remontant même à la "Guerre des Sables" en 1963.
Ainsi, le gel des relations entre les deux pays semble avoir atteint son point de non-retour, laissant peu d’espoir à court terme pour une réconciliation entre les deux voisins maghrébins.
Malgré des années de provocations, l’Algérie a fait preuve de retenue, se contentant de mises en garde et de déclarations mesurées. Cependant, en 2023, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a annoncé que "les relations entre les deux pays ont atteint un point de non-retour". Cette déclaration a marqué un tournant dans les relations algéro-marocaines, confirmant une rupture profonde entre les deux nations.
L'une des dernières étincelles ayant ravivé la crise est survenue en mars de cette année, lorsque le Maroc a lancé un "projet d'expansion des bâtiments du ministère des Affaires étrangères" impliquant des propriétés appartenant à l'Algérie. Alger a dénoncé cette initiative la qualifiant d’"acte de provocation" et une "violation flagrante des obligations de protection des représentations diplomatiques des États". De son côté, le Maroc a justifié son action en invoquant le principe de "l'utilité publique".
Ces événements ont mené l'Algérie à annoncer une mesure décisive : l'imposition de visas pour les détenteurs de passeports marocains. Le ministère algérien des Affaires étrangères a souligné que le régime marocain a exploité l'absence de visas pour organiser des activités nuisant à la stabilité et à la sécurité nationale de l'Algérie. Parmi les accusations, Alger dénonce l'implication du Maroc dans des réseaux de crime organisé, de trafic de drogue, de traite des êtres humains, ainsi que des actes d'espionnage. Le Maroc a également facilité l'infiltration d'agents israéliens disposant de passeports marocains.
La tension entre les deux pays n'est pas récente. En 1994, l’Algérie a décidé de fermer ses frontières avec le Maroc après que le roi Hassan II a imposé des visas aux Algériens à la suite d’un attentat à Marrakech. Cette décision marquait une nouvelle étape dans une série de conflits qui remontent à la guerre des Sables en 1963. Ces affrontements militaires, suivis de décennies de tensions diplomatiques, ont laissé des traces profondes sur les relations entre les deux peuples et affecté des milliers de familles algériennes et marocaines ayant des liens de parenté.