Algérie-France: les dossiers qui empoisonnent les relations

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Les changements en cours dans le paysage politique en France pourrait peser sur les relations franco-algériennes futures, si l'extrême droite arrive au pouvoir, en raison de la rigidité des positions des leaders de ce courant envers notre communauté et notre pays.

Le journal "Le Monde" a abordé, dans un article approfondi hier, le futur des relations franco-algériennes en cas d'arrivée de l'extrême droite au pouvoir, avec le Rassemblement National dirigé par Marine Le Pen. L'auteur de l'article prévoit une période d'incertitudes dans les relations entre Paris et Alger, en raison d'un manque de consensus déjà existant sur plusieurs dossiers sensibles, notamment la question de la "mémoire", que l'Algérie considère comme cruciale et espère voir traitée prochainement, ainsi que le dossier de l'immigration et la question du Sahara occidental.

Relations empoisonnées

L'ascension du parti de Marine Le Pen au pouvoir pourrait, selon l’auteur de l’article, Frederic Bobin, empoisonner durablement les relations bilatérales, rappelant que le fondateur de ce parti d'extrême droite, Jean-Marie Le Pen, était impliqué dans le meurtre et la torture des combattants algériens pendant la guerre de libération. De nombreux anciens membres de l’organisation terroriste « OAS » sont également proche du parti.

À l'approche d'élections extraordinaires en France, sa fille Marine continue aujourd'hui de diriger le parti, sachant que ce parti de droite conserve toujours dans son ADN le terme "Algérie française" et bénéficie toujours d'une popularité massive dans le sud de la France, bastion des "Pieds-Noirs", ce qui amène l'auteur à prévoir une réouverture de la blessure non cicatrisée dans les relations bilatérales avec un dossier de "mémoire" empoisonné.

La question de l'immigration sera une priorité pour un éventuel gouvernement du Rassemblement National dirigé par le jeune Jordan Bardella, en annulant les clauses de l'accord de 1968 qui accordent aux Algériens un statut exceptionnel en matière de déplacement, de résidence et de travail en France, sur recommandation de l'ancien diplomate et ambassadeur de Paris en Algérie, Xavier Driencourt (en poste de  2008-2012 et de 2017-2022), qui n’a jamais caché son antipathie envers l'Algérie, déclarant que Paris faisait preuve de "naïveté" dans ses relations avec les dirigeants algériens qui "ne comprennent que la logique de la force" ! Une personnalité controversée des deux côtés, surtout après que son nom ait été cité comme candidat possible au poste de ministre des Affaires étrangères dans un gouvernement du RN.

Sort incertain pour la Commission Mixte pour la Mémoire

Le sort incertain de la commission mixte franco-algérienne pour la mémoire est un autre dossier qui risque d'exacerber les tensions dans les relations bilatérales en cas de formation d'un gouvernement de droite, en raison des positions bien connues de l'extrême droite opposée à toute tentative de règlement de ce dossier, semblable aux demandes "d'excuses pour les crimes de guerre commis en Algérie pendant la période coloniale" et des efforts de "réconciliation de la mémoire" entrepris par Paris et Alger depuis 2020, ainsi que les critiques adressées au rapporteur historique Benjamin Stora, qui l'a rédigé en 2021 et l'a remis au président Macron concernant la mémoire, ainsi que les positions bien connues de l'extrême droite sur "le rôle positif de la colonisation".

L’avenir de la commission franco-algérienne d'historiens, qui travaille sur l'échange d'archives numériques et la restitution des biens algériens, comme les épées et les objets personnels de l'émir Abdelkader, demeure incertain en cas de montée de l'extrême droite au pouvoir en France.

 

La question du Sahara occidental

Enfin, le dossier du Sahara occidental, au sujet duquel Marine Le Pen a déjà déclaré en 2022 que "le Maroc est cher à la France", laisse penser au journaliste qu’un gouvernement menée par Jordan Bardella pourrait reconnaitre la "marocanité" du Sahara occidental, une position défendue depuis des années par Thierry Mariani, député européen soutenu par le Rassemblement National, ainsi que par Éric Ciotti, le nouveau partenaire du parti d'extrême droite, ce qui entraînera un radical changement de la position française jusque-là  équilibrée sur le dossier.

Ces trois points de tension potentielle - immigration, mémoire et Sahara occidental - plongeront la relation entre Paris et Alger dans une nouvelle crise, selon "Le Monde", qui a également cité une source diplomatique qui juge elle que "paradoxalement, il pourrait être plus facile pour l'Algérie de traiter avec un gouvernement français d'extrême droite, car les choses seront plus claires et franches", à l’exemple de son excellente relation avec l'Italie dirigée par la droite de Giorgia Meloni.

Le journal a conclu son article en citant une déclaration antérieure de Marine Le Pen lors de la campagne présidentielle de 2022, dans laquelle elle affirmait : "Une fois élue, j’adopterai un discours décomplexé, clair et lisible pour l’Algérie. Je pense que nos deux pays ont tout à y gagner".