Dans cette interview exclusive accordée à El-Khabar, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, a réagi à la campagne de diffamation à laquelle il est confronté en France suite à ses récentes prises de position et déclarations, notamment celles concernant une alliance contre nature entre l'extrême droite et le lobby sioniste contre les musulmans, ainsi que son accueil de la candidate aux élections européennes pour le parti "France Insoumise", Rima Hassan.
Votre récente rencontre avec la militante et candidate palestinienne aux élections parlementaires européennes, Rima Hassan, a provoqué une attaque virulente du lobby sioniste, représenté par l'une de ses branches, à savoir La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme. Comment réagissez-vous à de telles réactions et positions ?
Tout d'abord, je tiens à vous remercier pour cette interview, et à saluer à travers vous vos lecteurs ainsi que tous ceux qui suivent les affaires islamiques en France. En effet, cette rencontre dont vous parlez a suscité une attaque injustifiée contre nous, et dans le cadre de ma responsabilité et de mon devoir moral, j'ai publié une déclaration le vendredi 24 mai 2024, dans laquelle j'ai clarifié plusieurs points importants concernant cette attaque. Nous sommes engagés dans notre devoir humanitaire et moral, comme je l'ai mentionné au début, notamment en ce qui concerne les causes justes, et nous prenons une position ferme à leur égard.
La Grande Mosquée de Paris ne défend pas seulement les musulmans et leurs droits, mais elle s'oppose également à tout comportement hostile, immoral et inhumain.
À cet égard, je tiens à revenir sur une initiative passée où nous avons accueilli un groupe de réfugiés chrétiens d'orient pour des raisons humanitaires, et nous avons organisé un déjeuner en leur honneur, et avons organisés des rencontres avec les imams de la Grande Mosquée de Paris, où de nombreuses discussions ont eu lieu sur les grandes questions qui les concernent. J'ai pris cette responsabilité depuis que j'ai assumé mes fonctions en janvier 2020.
Je tiens donc à clarifier ce point que je considère comme très important. Quant à notre accueil d'une militante des droits de l'homme, candidate politique et figure médiatique connue comme Rima Hassan, cela ne constitue pas un crime, mais une activité qui s'inscrit dans notre programme de travail. De plus, nous n'attendons pas que quelqu'un nous dicte ce que nous devons faire, ni quelles personnalités nous devons accueillir et rencontrer.
La Grande Mosquée de Paris et cette organisation (Licra) ont un accord de partenariat et de coopération, basé sur le travail conjoint de lutte contre le racisme, l'islamophobie et l'antisémitisme. Cependant, cette association a déclaré qu'elle mettait fin à l'accord, pour protester contre votre accueil de la militante Rima Hassan. Comment la Grande Mosquée de Paris a-t-elle réagi à cette position de la Licra ?
La position de la Licra ne modifie rien à notre projet, et ne nous empêchera pas de continuer à avancer dans la concrétisation de notre programme de travail, qui vise à promouvoir les valeurs de tolérance et de coexistence entre les membres de notre société et notre nation. De plus, la Grande Mosquée de Paris n'est pas affectée par les positions irréfléchies et émotionnelles qui ne sont pas étudiées, ni par les pressions extérieures venant de quelque partie ou institution que ce soit, quel que soit son nom ou sa taille.
Depuis que vous avez pris la présidence de la Grande Mosquée de Paris, vous avez cherché à établir des relations de partenariat et de compréhension, ainsi qu'à participer activement à toutes les organisations associatives et populaires, afin de consacrer le principe de coexistence pacifique entre les religions, et aussi pour promouvoir une image pacifique de l'islam. Ne pensez-vous pas que de telles organisations juives extrémistes peuvent influencer le projet que vous cherchez à réaliser et à mettre en avant auprès de l'opinion publique là-bas ?
Oui, en effet, comme vous l'avez mentionné, nous sommes des partisans de la paix, du dialogue et de la coexistence entre les religions, les cultures et les civilisations. Une plateforme commune nous lie à toutes les institutions qui défendent ces principes. De même, je déplore les positions de certaines personnalités littéraires, intellectuelles et politiques en France, qui considèrent toute personne opposée à leurs opinions comme un "ennemi" ou le traitent comme tel.
Que pensez-vous du principe de "deux poids, deux mesures" dans la question de la liberté d'opinion, d'expression et de pensée pratiqué par ces organisations ?
Je tiens à rappeler, comme je l'ai mentionné précédemment dans le communiqué que nous avons publié, que nous ne tolérons pas la politique du "deux poids, deux mesures", et nous rejetons catégoriquement la confiscation de la liberté d'opinion et d'expression revendiquée par ces organisations et personnalités, comme la Licra, pour elles-mêmes mais pas pour les autres, et qui cherchent à confisquer et à en avoir le monopole si cela concerne un point de vue ou une position opposés.
Il est également important de rappeler que la Grande Mosquée de Paris, qui est aujourd'hui critiquée pour ses positions, est l'institution religieuse qui ouvre ses portes à tous, et reste encore aujourd'hui ancrée dans l'esprit des Français par sa position en faveur de la jeune Française "Mila" qui était hostile aux musulmans et attaquait l'islam et le Coran. Sa position était due à une méconnaissance de l'islam, ainsi qu'à des harcèlements et des pressions psychologiques qui l'ont poussée à agir ainsi. Nous l'avons personnellement accueillie et accompagnée lors d'une visite à la Grande Mosquée de Paris, où nous lui avons présenté la mosquée et expliqué les valeurs de l'islam et ses principes. Nous avons ensuite vu comment cette rencontre a laissé une impression positive sur elle et comment sa position a changé dans les médias qui l'ont invitée après cette visite.
Revenons à l'attaque que vous avez subie de la part du lobby sioniste, comme de nombreuses personnalités qui ont exprimé leur position sur les crimes commis dans la bande de Gaza et en Palestine en général. Ces "fanatiques" peuvent-ils influencer les positions des personnalités, des institutions et des organisations afin qu'elles n’expriment pas leur position sur ce qui se passe à Gaza ?
Il est désormais clair pour tout le monde que ce qui se passe à Gaza constitue un génocide et une épuration ethnique et religieuse au détriment d'un peuple entier, et les positions émises par des organisations internationales et des organisations de défense des droits de l'homme confirment que l'opinion publique mondiale est pleinement consciente de ce qui se passe et ne peut être trompée ou convaincue autrement que par la vérité.
Il y a effectivement des pressions exercées sur certaines personnalités publiques et figures politiques, culturelles et artistiques, et beaucoup d'entre elles ont exprimé leur position avec courage et franchise. Nous avons vu de nombreuses positions claires à travers diverses personnalités artistiques et cinématographiques lors de l’édition actuelle du Festival de Cannes, sous différentes formes et représentations.
Selon vous, quels sont les moyens disponibles pour faire face à cette "tempête d'exclusion" qui cible tout ce qui est musulman et toute personne qui exprime une opinion contraire, en particulier en ce qui concerne la question palestinienne ?
Je tiens à réaffirmer une fois de plus que nous continuons notre programme et notre projet, et personnellement, tout engagement que j'ai pris depuis quatre ans, je le maintiendrai. J'ai concentré mes efforts sur trois axes principaux : la formation des imams, la lutte contre l'extrémisme, la violence et les doubles discours, et la défense des musulmans et la lutte contre toutes les attitudes hostiles envers eux. Jusqu'à présent, nous avons atteint un pourcentage élevé de nos objectifs, qui répond à nos aspirations. Nous travaillons actuellement de manière continue et sérieuse pour atteindre le troisième objectif, avec l'aide de Dieu.