Entretien avec l'ambassadrice des Etats-Unis en Algérie

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Nous sommes revenus lors de notre entretien avec l’Ambassadrice des Etats-Unis en Algérie, Elizabeth Moore Aubin, sur les relations entre les deux pays, sur l’état de la coopération économique, commercial et culturelle ainsi que sur les positions des deux pays sur les questions internationales notamment sur la Palestine, Le Sahara occidental, le Mali et la Libye.

Deux ans se sont écoulés depuis que vous avez été nommé ambassadeur des États-Unis en Algérie. Comment évaluez-vous cette période ?

C’est un grand honneur pour moi aujourd’hui d’avoir l’occasion de vous parler un peu des deux dernières années, depuis mon arrivée ici en Algérie, et de ce que ma merveilleuse équipe à l’ambassade a pu accomplir avec leurs extraordinaires interlocuteurs algériens, et je crois que la diplomatie est un effort collectif, et qu’ensemble, nous avons accompli tant de grandes choses.

Nous avons travaillé principalement dans 3 domaines, à savoir la stabilité régionale, les intérêts économiques communs, l’apprentissage de l’anglais et la protection du patrimoine culturel, et nous l’avons fait de différentes manières, y compris en travaillant et en discutant avec l’Algérie des situations régionales et de travailler ensemble dans les forums multilatéraux comme les Nations Unies. Nous sommes heureux que l’Algérie soit désormais membre du Conseil de sécurité pour les deux prochaines années.

Nous avons pu obtenir une licence en génétique bovine, afin que l’industrie laitière et de la viande en Algérie puisse être transformée grâce à l’utilisation de la génétique américaine, et nous avons pu aider des entreprises comme « Boeing » lors des négociations pour l’accord avec l’Algérie, ainsi que de nombreuses autres entreprises américaines qui opèrent actuellement ici. Nous avons pu augmenter le volume des échanges commerciaux de manière très dynamique. Dans le domaine de l’anglais, nos programmes et échanges ont eu un impact sur 44 mille algériens et amélioré leur capacité à parler anglais. Ce que nous avons pu accomplir dans ces domaines est vraiment exceptionnel.

Très tôt dans mon mandat, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères Anthony Blinken s’est rendu en Algérie, ouvrant la voie à de nombreux événements ces deux dernières années, qui ont été très positifs. Le conseiller en sciences et technologie du département d’État des États-Unis s’est également rendu récemment en Algérie, et nous nous réjouissons à la perspective de nouer davantage de liens universitaires et de continuer à protéger les précieux monuments de l’Algérie, qui bénéficient à toute l’humanité. Nous cherchons des moyens de préserver ces manuscrits inestimables ou ces lieux architecturaux, alors nous continuerons à travailler pour protéger le patrimoine culturel avec l’Algérie, le ministère de la Culture et le ministère de l’Enseignement supérieur, bien sûr, pour les aspects universitaires, et nous allons de l’avant. La dernière chose que j’aimerais dire, c’est que les États-Unis font la promotion de valeurs universelles comme la liberté d’expression et la liberté de culte. Vous jouez un rôle très important dans la société civile et la démocratie, et je vous remercie encore une fois d’être venus. C’est pourquoi il est particulièrement important que j’aie l’occasion de vous rencontrer aujourd’hui en tant que journalistes. Vous êtes si importants. Vous jouez un rôle très important dans la société civile et la démocratie, alors merci encore d’être ici.

Comment évaluez-vous les relations entre l’Algérie et les États-Unis, les relations commerciales et économiques en particulier, et dans quelle mesure existe-t-il des possibilités de les renforcer ? Qu’en est-il du projet d’établir une ligne directe entre l’Algérie et New York, qui est l’un des facteurs pour des relations bilatérales plus étroites ?

 

Cela est vrai. Votre deuxième question répond en quelque sorte à votre première question. Comment pouvons-nous renforcer davantage nos relations économiques ? En augmentant les échanges commerciaux, en renforçant les relations entre nos deux peuples. Comment y parvenir? Par l’établissement d’un vol direct. C’est pourquoi j’en ai fait ma première priorité économique, en plus d’aider les entreprises américaines qui veulent forger des partenariats ici.

 

Plus de 100 entreprises américaines sont actives ici en Algérie, et une ligne directe contribuerait à renforcer notre commerce bilatéral et notre capacité à mieux nous comprendre les uns les autres, nous en sommes d’ailleurs, à l’étape des négociations techniques. Il s’agit, bien sûr, d’un processus en plusieurs étapes en raison de l’Accord Ciel ouvert « Open Skies », nos négociations portent sur ce sujet et nos conversations se déroulent de façon très satisfaisante et sont sur la bonne voie.

 

Vous avez évoqué la visite en Algérie du secrétaire d’État Anthony Blinken, qui a déclaré que l’objectif était d’atteindre un volume d’échanges de 6,2 milliards de dollars. Cet objectif a-t-il été atteint ?

 

De 2020 à 2022, c’est-à-dire au cours des trois années 2020, 2021 et 2022, nos échanges ont doublé chaque année. Nous attendons toujours des statistiques pour 2023. Nous espérons que ce que les efforts de notre ambassade pour aider les entreprises américaines à contribuera à réaliser cet objectif.

 

Plusieurs délégations américaines représentant de nombreux secteurs se sont rendues en Algérie et ont signé des accords similaires à ceux signés dans le domaine de l’industrie alimentaire et de l’agriculture. Des compagnies pétrolières comme ExxonMobil et Chevron ont également manifesté leur intérêt pour le marché algérien. Peut-on espérer une plus grande implication des entreprises américaines en Algérie, tant dans le domaine énergétique qu’industriel, et des partenariats plus larges ?

 

Je pense que le modèle américain est le meilleur modèle de partenariat économique. Nous partageons la technologie, employons des Algériens et recherchons des partenariats mutuellement bénéfiques dans tout ce que nous faisons. Les entreprises américaines de divers secteurs économiques sont donc à la recherche d’opportunités en Algérie, comme les petites et moyennes entreprises, ainsi que les grandes entreprises. Nous consacrons du temps à aider ces entreprises à établir des relations et à trouver des opportunités ici, et nous discutons également avec les entreprises algériennes des possibilités aux États-Unis et des domaines où elles peuvent développer les échanges ou les investissements bilatéraux. Nous travaillons donc des deux côtés sur ce sujet très important, et parvenir un marché assez égal est un élément important de ce que nous faisons.

 

Une délégation d’hommes d’affaires américains est venue en Algérie. Ses membres ont rencontré des ministres et des directeurs de nombreuses entreprises. Quels sont les résultats de cette visite ? des accords ont-ils été signés ?

Je vous remercie de faire référence à la récente visite d’une délégation du conseil d’affaires algéro-américain. Cette organisation privée et la Chambre de commerce des États-Unis ont inclus un grand nombre d’entreprises américaines très intéressées à travailler avec l’Algérie dans la production agricole, l’industrie de toutes sortes, dans l’aviation, ainsi que dans le secteur des TIC entre autres domaines de l’activité économique. La délégation était donc ici pour discuter, et je laisserai à chaque entreprise le soin de parler de ses réalisations individuelles lors de cette visite. Je les ai rencontrés et j’ai constaté beaucoup d’enthousiasme de leur part et un intérêt pour le marché algérien et les possibilités de coopération avec leurs homologues algériens.

L’Algérie et les États-Unis entretiennent de bonnes relations dans le domaine du partenariat sécuritaire et de la lutte contre le terrorisme. Des délégations des États-Unis se sont rendues en Algérie avec des représentants du trésor et de la défense les 5 et 6 juin 2023. Quelle est votre vision de la relation et de ses perspectives ?

 

Ces discussions reflètent largement la coordination et la coopération des États-Unis et de l’Algérie en matière de stabilité régionale. Nous avons eu une interaction très positive, comme je l’ai souligné. En juin dernier, une délégation mixte est venue en Algérie pour discuter de la manière de travailler ensemble dans la région. Depuis, nous avons tenu un dialogue stratégique à Washington D.C., en octobre, et un autre militaire conjoint à Washington en décembre. Toutes ces discussions sont très importantes parce que nous faisons face à un ensemble complexe de défis dans le monde d’aujourd’hui. Il est important de pouvoir parler de points de vue communs, de nos différents points de vue, et de trouver un moyen d’atteindre le même objectif final. Il est important de d’identifier ces domaines de coopération.

Les États-Unis ont récemment commenté, par exemple, la situation au Mali. Nous regrettons la décision du gouvernement de transition de se retirer de l’accord d’Alger, que nous avons considéré comme un cadre idéal pour assurer la stabilité et la paix dans la région, et comment cela aurait bénéficié aux maliens et à toute la région. Nous sommes préoccupés par les milices et leur capacité à mener une guerre civile potentielle avec des membres du gouvernement de transition et d’autres éléments "Wagner". Cela nous préoccupe beaucoup, tout comme l’Algérie, et nous coopérons très étroitement sur ces questions ici et à Washington.

 

L’Algérie est devenue membre du Conseil de sécurité et a exprimé ses priorités en ce qui concerne le Sahara Occidental et la Palestine. Comment les pays travaillent-ils ensemble pour trouver des solutions définitives à ces deux questions ?

Comme je l’ai souligné, ces questions sont très importantes pour la politique étrangère de l’Algérie. L’Algérie et les États-Unis conviennent que Stefan de Mistura devrait avoir la possibilité de travailler à une solution politique de la situation au Sahara Occidental. Ce conflit a assez duré, 47 ans pour le peuple sahraoui, sans qu’il y ait de voie à suivre. Nous, l’Algérie et les États-Unis, sommes tout à fait d’accord avec les aspirations des Nations Unies.

En ce qui concerne la situation avec la Palestine, les États-Unis et l’Algérie appuient pleinement l’objectif d’une solution à deux États. Nous sommes profondément préoccupés par la situation humanitaire à Gaza, et nous travaillons tous les deux pour fournir une assistance aux Palestiniens. Nous avons des points de vue différents sur la façon d’atteindre ces objectifs, mais nous sommes en mesure de discuter de ces questions en termes très respectueux et amicaux. Nous sommes en mesure de parler des domaines sur lesquels nous sommes d’accord, et nous allons travailler et continuer à coopérer étroitement pour atteindre ces objectifs.

 

Depuis un certain temps, des démarches sont menés pour étendre l’enseignement de l’anglais en partenariat avec le gouvernement algérien et le ministère de l’Enseignement supérieur à travers des programmes pour les universités. Une coopération dans le domaine de la culture et de la préservation du patrimoine historique est également enregistrée. Qu’en pensez-vous?

L’Algérie veut promouvoir l’enseignement de l’anglais. Les États-Unis ont travaillé très étroitement pour s’assurer que nous assistions l’Algérie dans ce processus, en travaillant avec le ministère de l’Enseignement supérieur pour renouveler les programmes d’anglais dans toutes les universités algériennes. L’Algérie a accepté d’ouvrir le cinquième centre culturel américain ici en Algérie, dans la wilaya de Béchar. Nous sommes très fiers de l’existence de 5 centres culturels à Alger, Oran, Constantine, Ouargla et Béchar, nous pensons que c’est très important et que cela s’étende aussi à l’avenir, parce que ce sont des endroits où les Algériens peuvent aller apprendre l’anglais gratuitement. Vous pouvez venir ici au coin américain 3 jours par semaine et parler anglais avec des Américains, et c’est quelque chose que nous offrons aux Algériens.

Nous sommes sur le point de lancer la quatrième édition de « Link » au printemps, un programme que nous proposons aux responsables gouvernementaux algériens afin qu’ils puissent parler anglais, assister à des conférences internationales et parler à leurs homologues étrangers. Nous croyons en ce programme qui a obtenu un succès et une popularité énormes.

En ce qui concerne la préservation du patrimoine culturel, nous travaillons sur plusieurs projets avec le ministère de la Culture. Nous avons récemment entrepris un projet ici à Alger pour numériser des œuvres d’art au Musée du Bardo. Nous avons également un projet de formation pour le faire avec quelques manuscrits anciens dans le sud. Nous continuerons à travailler avec le ministère de la Culture dans ces domaines où la protection culturelle est une priorité.

 

Un sommet s’est tenu à Brazzaville, axé sur le processus de réconciliation en Libye, au cours duquel le président Tebboune a appelé au retrait des mercenaires et de la présence militaire pour donner aux Libyens l’occasion de décider de leur avenir. Comment les États-Unis entendent-ils coopérer avec l’Algérie pour parvenir à la réconciliation entre Libyens ?

Comme dans la région du Sahel, les États-Unis et l’Algérie ont une vision très similaire de la situation en Libye. Nous sommes d’accord pour que le peuple libyen puisse décider de son gouvernement et de son avenir. Nous convenons également que les forces étrangères déstabilisent et n’aident pas le peuple libyen à décider de son avenir. Nous sommes donc tout à fait d’accord avec le gouvernement algérien, nous avons évoqué la question plus fois.

Un mot pour conclure ?

J’aimerais conclure en vous remerciant d’être ici. Je me réjouis de continuer à travailler sur les relations bilatérales entre les États-Unis et l’Algérie, en élargissant les initiatives universitaires, en obtenant le vol direct de l’Algérie à New York. Je suis impatiente à l’idée de pouvoir monter à bord de cet avion qui reliera l’Algérie aux États-Unis et continuer à travailler à notre prospérité économique commune. Nous ferons donc tout cela au cours des prochains mois, et vous tiendrons au courant de leur déroulement. Merci.