La Tunisie a demandé au gouvernement français de "traiter sur un pied d'égalité" et de récupérer les fonds pillés déposés dans les banques françaises, après l'échec des tentatives judiciaires et des voies de coopération habituelles menées par la Tunisie avec Paris pour récupérer ces fonds.
Le président tunisien, Kaïs Saïed, a insisté lors d'un appel téléphonique avec son homologue français, Emmanuel Macron, à l'occasion de la célébration de l'indépendance de la Tunisie, sur la "nécessité d'adopter de nouvelles mesures pour que les fonds volés au peuple tunisien lui soient rendus, car les actions judiciaires ne mèneront à rien, et même si elles aboutissent après des décennies, elles ne donneront que des miettes ou quelques restes", faisant référence à l'inaction française dans la coopération avec la Tunisie pour récupérer les fonds volés aux ressources du peuple tunisien en France, et aux obstacles rencontrés dans ces efforts.
C'est la deuxième fois que le président Saïed demande aux responsables européens de lever les obstacles et de faire preuve de la coopération nécessaire dans le domaine de la récupération des fonds volés. Plus tôt, Saïed a déclaré lors de sa rencontre avec plusieurs responsables européens que si l'Occident avait une réelle volonté de soutenir la Tunisie pendant la crise économique et financière qu'elle traverse, il pourrait l'aider à déterminer l'ampleur et l'emplacement des fonds détournés dans les banques occidentales et à les récupérer. Cela fait suite à l'annonce de l'Union européenne, fin octobre 2022, de lever le gel des fonds appartenant à sept membres de la famille de l'ex-président Ben Ali, leur permettant de les utiliser à des fins personnelles, après l'échec du gouvernement à finaliser les démarches pour les récupérer.
Bien que quatorze ans se soient écoulés depuis la Révolution de janvier 2011, tous les gouvernements successifs durant la période de transition démocratique n'ont pas réussi à récupérer ces fonds, notamment ceux liés à la famille de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali, ainsi qu'à des hommes d'affaires et responsables. Les autorités tunisiennes ont particulièrement cherché depuis septembre 2020 à localiser les fonds détournés à l'étranger, renouvelant leurs demandes de coopération avec les pays occidentaux pour découvrir les voies de leur transfert et les récupérer au profit du trésor public tunisien. Cependant, ces demandes n'ont pas encore trouvé de réponse rapide de la part des pays qui accueillent ces fonds dans leurs banques et institutions financières.
Certaines estimations non officielles, selon une étude récente publiée par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, évaluent à 39 milliards de dollars américains le montant des fonds détournés, avec une perte annuelle pour l'économie tunisienne de 1,5 milliard de dollars. Une partie de ces fonds a été transférée légalement via l'augmentation du nombre d'entreprises offshore, qui comptent 29 000 établissements, tandis qu'une autre a été transférée illégalement.
En 2021, l'Union européenne a remis à la présidence tunisienne une liste de 376 personnes impliquées dans le détournement de fonds depuis la Tunisie, dont 50 hommes d'affaires. En septembre 2023, le gouvernement tunisien a annoncé la formation d'une équipe ministérielle spécialisée et d'un comité chargé de poursuivre la recherche des fonds volés et détournés à l'étranger, ainsi que d'effectuer les démarches nécessaires pour les récupérer au profit de l'État. Cette équipe comprend des représentants des ministères des Affaires étrangères, de la Justice, des Finances, des Biens de l'État, des Affaires foncières, ainsi que du gouverneur de la Banque centrale et du responsable des litiges de l'État, et se charge de mener les démarches pour récupérer les fonds à toutes les étapes, notamment en ce qui concerne les enquêtes et les affaires en cours, ainsi que d'assurer le soutien diplomatique et de sensibiliser les parties étrangères à l'importance de ce dossier.
Dans le même contexte, le président Kaïs Saïed a affirmé que "la Tunisie veut une coopération sur un pied d'égalité avec toutes les parties, et elle reste ferme sur ses positions", en faisant référence au rejet par la Tunisie de certaines pressions exercées par Paris et des pays européens, notamment sur le dossier de l'immigration et l'empêchement des flux migratoires vers l'Europe. Le président Saïed a souligné lors de son appel avec Macron la "nécessité de démanteler les réseaux criminels qui traitent de la traite des êtres humains et des organes humains, que ce soit en Afrique subsaharienne ou en Méditerranée du Nord", ajoutant que "la Tunisie, qui a supporté de lourdes charges, n'acceptera jamais d'être un simple point de transit ou une base, et qu'elle appelle constamment à la coopération pour établir des ponts aériens permettant aux victimes de ces réseaux criminels de revenir volontairement, tout en leur offrant une vie digne dans leurs pays d'origine".
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